Spécialiste mondial des traitements médicaux injectables à action contrôlée, MedinCell se caractérise par une approche originale dans le monde de la pharma : une double vision qui met la mission de santé publique au premier rang de ses priorités et entend créer un nouveau modèle d'entreprise. Rencontre avec un homme de convictions, Christophe Douat, PDG de l'entreprise.

Vous vous définissez comme une société « à mission ». Qu'entendez-vous par là ?

Nous avons créé MedinCell avec l'ambition d'avoir un véritable impact sur la santé dans le monde, en mettant notre savoir-faire et notre technologie au service d'un maximum de patients dans de nombreuses indications. Une vision « santé publique » qu'oublie parfois l'univers des laboratoires pour privilégier les bénéfices financiers. Pour nous, ils doivent être une conséquence des succès, pas l'objectif premier.
Nous nous sommes positionnés sur l'un des grands enjeux identifiés par l'OMS : l'observance, c'est-à-dire le respect des prescriptions médicales. Il faut en effet savoir qu'aujourd'hui, un patient sur deux ne démarre pas son traitement ou ne le prend pas correctement. Les conséquences peuvent être dramatiques dans certaines pathologies. Une solution est de développer des injectables « longue action » afin que les patients n'aient plus à se soucier de prendre leurs médicaments. Les premiers traitements de ce type sont apparus il y a quelques années, en psychiatrie notamment, mais leur adoption est limitée par certaines contraintes comme l'injection intramusculaire, un acte complexe et douloureux pour le malade.

Chez MedinCell nous avons développé une technologie beaucoup plus souple, à base de copolymères biocompatibles, qui permet d'envisager l'arrivée prochaine de traitements injectables à action prolongée dans un grand nombre d'indications. Après une injection sous-cutanée, donc quasiment indolore et réalisable par n'importe quel professionnel de santé, voire même en auto-injection dans certaines indications, un dépôt de quelques millimètres se forme. Agissant comme une mini-pompe virtuelle, il diffuse régulièrement le médicament pendant plusieurs jours, semaines ou mois, puis disparait complètement. Autre avantage, notre technologie est adaptable à de nombreux principes actifs et nos traitements sont relativement simples à fabriquer à grande échelle. Nous pouvons réaliser des formulations en un temps record. Aujourd'hui, nous développons des traitements en utilisant des molécules déjà largement commercialisées et dont l'efficacité est reconnue. Seul change le mode d'administration. Le taux de succès est donc très élevé et le risque minimal.

Quelles sont les premières indications bénéficiant de votre technologie ?

Nos premiers développements produits concernent la schizophrénie, l'une des pathologies pour laquelle le défaut d'observance est le plus répandu et le plus dangereux. Dans ce domaine, plus de 3 patients sur 4 arrêtent leur traitement dans les deux ans. Les conséquences pour les malades et leur entourage sont souvent graves. Aux États-Unis, 20% des nuits d'hôpital concernent cette catégorie de patients, et les coûts directs et indirects associés à cette pathologie sont estimés à plus de 150 milliards de dollars.

Le développement de ce produit est financé par TEVA Pharmaceutical. Il est actuellement dans la dernière phase clinique d'essai aux États-Unis, avec des résultats attendus pour la fin de l'année 2019. En parallèle, nous travaillons sur de nombreuses autres indications, comme par exemple la contraception (en collaboration avec la Fondation Bill et Melinda Gates).

Notre technologie présente également un grand intérêt pour le traitement local. Nous pouvons par exemple réaliser un dépôt local d'anti-inflammatoire pendant une intervention chirurgicale. Cela permet de cibler directement la douleur post-opératoire et d'éviter notamment l'administration massive par voie orale ou intraveineuse d'opiacés. Nous avons actuellement un produit en essai clinique de Phase II aux États-Unis, développé avec des chirurgiens nord-américains spécialistes du genou.

Nous travaillons avec des médecins du monde entier pour déterminer quels sont les besoins et dans quelles indications les traitements injectables à action prolongée peuvent apporter un vrai changement pour les malades.

Vous avez également fait le choix d'un modèle de financement atypique dans le monde des MedTechs ?

Plus qu'un modèle de financement, c'est un modèle d'entreprise. De 2009 à 2017, nous avons fait le choix d'autofinancer intégralement notre développement grâce à nos activités commerciales, comme par exemple notre partenariat avec Teva. L'objectif était de conserver notre capital impact, pour garder le contrôle et créer un leader mondial qui resterait en France. Mais nous voulions surtout pouvoir partager ce capital avec nos employés pour la plupart actionnaires de MedinCell. Nous sommes proches de l'esprit des coopératives. Nous sommes en effet convaincus qu'un collaborateur-actionnaire va être capable de se transcender, de faire preuve de plus d'autonomie et d'initiative. Aujourd'hui 20% du capital est détenu par les salariés de MedinCell. Cela a créé dans l'entreprise un mode de relation où la confiance prime. Avec la conviction partagée d'agir pour le bien de tous, c'est l'une des clés de notre succès.

Vous avez pourtant finalement décidé de faire entrer des investisseurs à votre capital ?

Il y a un an, nous avons estimé que les trois conditions nécessaires pour accélérer le développement étaient réunies : validation de la technologie, validation du business, validation de l'équipe. Cela passait par une nouvelle l'étape : l'introduction en bourse, pour financer l'élargissement de notre portefeuille de produits. Pour garantir le succès de notre entrée sur Euronext, nous avons alors décidé de constituer une base d'actionnaires qui partageaient nos valeurs, à commencer par Crédit Mutuel Innovation (ex CM-CIC Innovation), qui se caractérise par une vision à long terme de l'accompagnement financier. Ils ont été rejoints lors de notre entrée en bourse par des fonds européens et américains, spécialisés dans la santé mais également des fonds à responsabilité sociale. Réalisée fin septembre 2018, dans un contexte peu favorable aux Biotechs, cette opération a été un succès. Un bel hommage à la pertinence de notre modèle.

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