Entreprise suisse créée en 1905, Lauener est spécialisée dans le décolletage de micro précision pour les grands noms de l'horlogerie (Rolex, Patek Philippe, Jaeger-LeCoultre) et la médecine de pointe (Depuy Synthès, St Jude Medical, Biotronik). En 2009, elle a été rachetée par un couple de Français, Caroline et Emmanuel Raffner, issus tous deux du monde de l'horlogerie. Forte de son expérience de dirigeante des deux côtés de la frontière, Madame Raffner évoque les atouts de la Suisse pour un entrepreneur.

Comment un couple de Français se retrouve-t-il à la tête d'une entreprise suisse et centenaire ?

Nous vivions en Suisse depuis 2002. Mon mari était Directeur Général de la Montre Hermès et pour ma part je dirigeais l'entreprise de ma famille, une PME spécialisée dans les bracelets d'horlogerie située de l'autre côté de la frontière, dans le Doubs. En 2009, nous avons pris la décision de travailler ensemble et de reprendre une entreprise. Nous avons alors présenté notre dossier au dirigeant de Lauener. Après une tentative de transmission familiale avortée, ce monsieur d'un certain âge était attaché à trouver un repreneur qui ne soit ni un client, ni un groupe, ni un financier. II a été rassuré par notre projet « en couple » et notre ambition affirmée de vouloir repositionner l'entreprise sans tout révolutionner.

En tant qu'entrepreneur français, par quoi avez-vous été le plus surpris ?

Les Suisses poussent leur sens pragmatique très loin. Pour ne citer qu'un exemple, j'évoquerais l'indépendance des cantons en matière fiscale. Le représentant de l'autorité cantonale peut décider de mesures différenciées pour chaque entreprise. Nous le rencontrons une fois par an, lui présentons nos comptes et discutons des possibilités de modifier nos amortissements ou nos provisions. Une approche hallucinante du point de vue de la France.

Quel intérêt aurait un entrepreneur français à investir en Suisse ?

Le marché est étroit mais le tissu industriel est très fort, en particulier dans l'arc Lémanique, avec des entreprises aux savoir-faire très pointus. Vous n'êtes pas isolé et vous pouvez vous appuyer sur un tissu de sous-traitance très solide.

La main d'œuvre est également très bien formée. Plus d'un tiers des jeunes Suisses s'orientent vers les filières d'apprentissage, très bien considérées ici.
Les programmes sont établis par les entreprises elles-mêmes qui peuvent donc compter sur des collaborateurs employables immédiatement. D'une manière plus générale, le droit du travail est ici relativement léger. Les charges sociales sont peu élevées et la semaine de travail est à 40 heures, avec possibilité de monter à 45 heures, sans autorisation. En contrepartie, les salaires élevés garantissent une certaine paix sociale.

Le fait que la Suisse ne soit pas membre de l'Union Européenne n'est-il pas un frein à l'export ?

Pas du tout. Grâce aux accords bilatéraux signés avec l'UE, il n'y a pratiquement aucune barrière. En revanche, la position géographique de la Suisse, au cœur de l'Europe, en fait une tête de pont privilégiée. Vous bénéficiez également d'une grande proximité avec les sièges européens de la plupart des grandes multinationales. C'est beaucoup plus simple pour négocier. J'ajouterais à cela la facilité à recruter des collaborateurs maîtrisant 3 ou 4 langues.

Et quels sont les points de vigilance ?

Le gros danger c'est de croire qu'il s'agit de la même culture parce que nous parlons la même langue. L'esprit pragmatique et discret des Suisses peut être facilement heurté par le côté parfois flambeur et bavard des Français. Pour réussir en Suisse, il faut savoir se fondre dans le paysage. Il s'agit aussi d'un pays libéral. Il ne faut pas attendre l'aide de l'Etat.

Il s'agit donc d'une expatriation réussie ?

Oui. L'entreprise se développe très bien et nous avons trouvé nos marques dans cet environnement porteur. Après avoir consolidé l'activité, nous envisageons aujourd'hui de passer à une phase de croissance externe, en nous appuyant notamment sur l'expertise de Crédit Mutuel Equity (ex CM-CIC Investissement) qui vient de prendre une participation minoritaire au capital.

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