Créateur de Memscap (microsytèmes) puis d'Ioma (diagnostic de la peau et cosmétique), Jean-Michel Karam se lance aujourd'hui dans une nouvelle aventure. Avec Ieva, il proposera, dès la fin de l'année, des bijoux connectés capables de mesurer le stress environnemental et d'envoyer des recommandations santé personnalisées. Retour sur le parcours d'un entrepreneur en série, militant aujourd'hui d'un « business as force of good ».

Avec votre société Memscap, vous êtes l'un des spécialistes mondiaux des microsystèmes. Nous sommes très loin de l'univers de la cosmétique.

Memscap, que j'ai créée en 1998 et que je dirige encore aujourd'hui, est en effet l'une des sociétés leader de la technologie des MEMS (micro electro mechanical systems). Ces microsystèmes très complexes, à base de silicium, permettent de réaliser des fonctions de capteurs et des fonctions d'actionneurs. À l'origine, ils sont destinés à des clients BtoB comme l'avionique (régulation de la pression en cabine), la santé (pression sanguine, détection cancer du colon) ou notre spécialité d'origine, la communication optique.

Tout bascule avec une expérience personnelle ?

En 2002, lors d'une consultation chez mon dermatologue, j'ai été très surpris qu'en dehors d'une loupe éclairée, les praticiens de cette spécialité ne disposaient d'aucun matériel de pointe. À l'époque, je cherchais à diversifier les activités de Memscap et j'ai donc confié à l'une de nos divisions la conception d'un appareil de mesure à base de microsystèmes, capable de caractériser la peau. Pour être franc, je n'étais pas convaincu du potentiel d'une telle innovation. Mais, suite à un article de presse sur nos recherches, j'ai été contacté par tous les grands laboratoires pharmaceutiques.

Jusqu'en 2007, nous nous sommes concentrés sur le marché des dermatologues pour asseoir notre crédibilité et notre expertise. Mais le business model n'était pas satisfaisant car il n'y avait aucune récurrence dans les ventes. C'est alors que nous avons décidé de proposer gratuitement nos appareils aux instituts de beauté et aux parfumeries. Ils pouvaient ainsi réaliser un diagnostic de la peau de leurs clients et leur recommander nos crèmes personnalisées. Nous avions en effet racheté un laboratoire dermaceutique. Le succès a été fulgurant, si bien que cette activité, devenue indépendante de Memscap en 2010, a été achetée par Unilever en 2 étapes : la majorité en 2012 et la totalité en 2015.

...pour créer Ieva en 2016 ?

Avec l'expérience Ioma, je me suis pris de passion pour l'univers de la cosmétique.
Sans heurter mes 2 autres sociétés, je me suis donc lancé dans cette nouvelle aventure, sur laquelle je fonde de grands espoirs. Avec Ieva, nous allons encore plus loin dans les applications technologiques. L'idée est ici de proposer des bijoux connectés, dessinés par de grands créateurs, qui permettent de mesurer le stress environnemental auquel vous êtes exposé durant la journée. La technologie vous géolocalise et enregistre tout ce qui agresse votre organisme, en particulier votre peau et vos cheveux : l'humidité, la température, l'exposition aux UV, la luminosité, le bruit et mêmes les particules lourdes liées à la pollution. Elle mesure également votre activité physique et votre sommeil. Tous ces paramètres sont envoyées dans un cloud et analysées. Vous recevez alors des recommandations « Personnal Care » (hygiène et beauté) et « Lifestyle ».

Sur la base de ces conseils, nous vous orientons vers les produits de soin adaptés, sélectionnés parmi vos marques préférées. Nous fonctionnons alors comme une Market Place. La commercialisation est prévue pour les fêtes de fin d'année.
Je tiens également à préciser que toutes ces mesures environnementales géolocalisées seront en accès libre pour les scientifiques qui pourront ainsi affiner leurs modèles sur les causes réelles du réchauffement climatique. Je crois fermement que les entrepreneurs, une fois leur réussite assurée, doivent montrer l'exemple. Nous avons le pouvoir de vraiment changer le monde.

Fort de votre expérience d'entrepreneur en série, quels conseils pourriez-vous donner à un jeune dirigeant de start-up innovante ?

Sur le cœur de business, je me suis fixé deux règles. La première c'est de ne me lancer que sur des marchés que je maîtrise parfaitement. C'est pour cela que j'ai mis près de 8 ans avant d'aborder le marché de la cosmétique. La seconde règle, c'est d'être certain de disposer d'une innovation de rupture, avec suffisamment de barrières à l'entrée, comme les brevets, pour éviter qu'un acteur plus gros ne vous prenne de vitesse avec des moyens plus importants. Sur le plan du financement, il faut s'assurer que les investisseurs initiaux seront capables de vous suivre pendant plusieurs tours de table, mais également qu'ils soient capables de vous apporter autre chose que de l'argent. C'est notamment pour cela que je travaille en collaboration étroite avec Crédit Mutuel Innovation (ex CM-CIC Innovation). Au-delà de sa capacité d'investissement, ce partenaire me fait bénéficier de toute l'expertise acquise à travers un portefeuille très large, avec des entreprises à différents stades de leur développement.

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