Quelles sont la ou les réalités derrière la notion de transformation technologique ? S’inscrit-on dans une logique de sprint ou de marathon ? Le point avec Christophe Tournier, Membre du Directoire de Crédit Mutuel Equity et Karine Lignel, Présidente de Crédit Mutuel Innovation.

Quelles sont la ou les réalités derrière la notion de transformation technologique dans le monde industriel ?

Karine Lignel :
Il est important de distinguer deux grands types de transformation technologique. D’une part, la transformation d’adaptation ou d’évolution, qui permet à une entreprise d’intégrer les dernières technologies digitales par exemple pour gagner en agilité. D’autre part, l’innovation de rupture, qui peut modifier profondément le business model et le mode de production de l’entreprise.

Christophe Tournier :
Ces deux types de transformation ne s’opposent pas mais s’inscrivent dans un rapport au temps différent. Assez court, dans une logique de réactivité pour la transformation et l’évolution des process. Beaucoup plus long pour une démarche d’innovation. Ce qui implique chez l’industriel un dédoublement de l’angle de vision : l’un axé sur la courbe de productivité et d’amélioration continue des proccess, l’autre reposant sur une anticipation à moyen terme des mutations à venir, basé cette fois sur la courbe d’expérience industrielle et l’analyse du cycle de vie de l’outil.

Concrètement, peut-on estimer ces différents temps de transformation ?

Karine Lignel :
Pour une transformation digitale, les temps des cycles sont de quelques mois à quelques années en fonction des enjeux.
En ce qui concerne l’innovation de rupture, on estime aujourd’hui qu’il faut une dizaine d’années pour qu’une nouvelle technologie trouve son marché : 5 ans pour la développer, puis 5 ans pour la marketer et développer les premières preuves de marché. Il faut aussi être conscient que cette approche est une remise en cause profonde de l’entreprise en matière de process, de produit, voire d’équipe. La prudence est à la hauteur des enjeux.

Un groupe industriel peut-il accélérer sa transformation en investissant dans une start-up ?

Christophe Tournier :
Cette thématique de corporate venture est apparue il y a déjà quelques années, l’idée étant sur le papier séduisante. L’ETI pouvait par ce biais (participation minoritaire) sécuriser son expertise sur des briques technologiques susceptibles de trouver une application et de modifier significativement son environnement sectoriel. La start-up, quant à elle, procédant de cette façon à une levée de fonds à valeur ajoutée, susceptible d’incrémenter son expérience de mise sur le marché de son produit ou de son application. Pourtant, il faut être extrêmement vigilant car on est loin de la martingale et les exemples d’échecs de ce type d’approche sont nombreux.

Karine Lignel :
Les intérêts ne convergent pas forcément de manière aussi naturelle. Le secteur industriel pressenti par la start-up peut s’avérer ne pas être le plus pertinent. L’investisseur industriel éprouvera alors des difficultés à suivre la start-up dans ses nouvelles projections pour d’autres secteurs sur lesquels il n’est pas positionné. Toutefois, la principale source d’incompréhension réside dans la nature même des structures et de leurs cultures. Le rapport à la hiérarchie, au tempo, à la souplesse est souvent radicalement opposé dans une start-up et une ETI.
D’expérience, et c’est l’un des enjeux de notre accompagnement auprès de ces deux types d’acteurs, le groupe aura tout intérêt à préserver les spécificités de son partenaire technologique.

Comment se positionne un investisseur face à ces différentes approches de la transformation ?

Karine Lignel :
Notre double culture, capital-croissance avec Crédit Mutuel Equity et capital-innovation avec Crédit Mutuel Innovation, avec des expériences dans les ETI comme dans les start-up, nous amène à faire le pont entre les deux mondes, avec une approche pragmatique, réellement gagnante-gagnante pour les différentes parties prenantes.

Christophe Tournier :
Notre métier d’investisseur a changé. Notre rôle ne consiste plus seulement à apporter des capitaux et à siéger au sein de boards. Nous sommes entrés dans une dimension de services et d’apport de valeur ajoutée. Au premier rang de ces services, nous souhaitons faire profiter nos partenaires de notre position privilégiée de « vigie ». Proches de nos participations- plus de 350 à ce jour-, en veille dans de nombreux secteurs, nous sommes au premier rang pour observer et éprouver la mise en œuvre de nouvelles technologies, leur évolution. Nous côtoyons des dizaines d’entrepreneurs « manœuvrants » qui résolvent au quotidien les problématiques auxquelles ils sont confrontés. Il relève aujourd’hui de notre mission d’investisseur de faire partager ces expériences et ces connaissances, de stimuler de nouvelles initiatives.

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