On note aujourd’hui un taux important de défaillance d’entreprises à la suite d’un process d’acquisition. Ces opérations de croissance externe n’achoppent que rarement sur des problèmes économiques et financiers. Dans la plupart des cas, le premier facteur d’échec est une prise en compte inadaptée ou tardive de la dimension humaine dans la stratégie d’intégration. Points de vigilance et retour d’expérience avec Caroline Pasquet, Directeur Exécutif, Blandine Roche, Directeur de Participations chez Crédit Mutuel Equity et Cyril Serratrice, Directeur Général de CIC Conseil.

Sur le plan humain, peut-on dire qu’un dirigeant acquéreur doit d’abord se méfier... de lui-même ?

Blandine Roche :
Ce qui est certain, c’est qu’une opération de croissance externe a quelque chose de grisant. L’opportunisme peut vite l’emporter sur le rationnel. Même si une entreprise en a les moyens, elle doit veiller à objectiver ses acquisitions, apprendre à se tenir à sa stratégie en matière d’activités et de marchés. Ce qui nécessite en amont un projet d’entreprise très clair.

Cyril Serratrice :
C’est exact, le Conseil en Fusions Acquisitions peut participer à cette rationalisation d’abord parce qu’il maîtrise toutes les étapes qui sécurisent une acquisition mais également parce qu’il saura utiliser ces travaux de valorisations pour éviter d’être « pousse au crime ».

À quel moment du « deal » doit-on lancer le process d’intégration ?

Caroline Pasquet :
À partir du moment où l’acheteur est en exclusivité et négocie les contrats, il doit rapidement concevoir un plan d’intégration et identifier les personnes clés qui en seront en charge. Ce plan doit bien entendu avoir un volet business et un volet financier mais il ne doit surtout pas négliger la dimension humaine et psychologique. Dans la mesure du possible, l’acquéreur doit avoir des contacts avec le middle management pendant la phase finale, une fois les négociations terminées. Très rapidement, il faudra repérer les collaborateurs « facilitateurs » sur lesquels on pourra s’appuyer, mais aussi les « irritants » qui risquent de compromettre l’opération.

À ce titre, dans quelle catégorie doit-on classer l’ancien dirigeant de la cible ?

Cyril Serratrice :
On peut considérer que conserver le dirigeant de la cible est un facteur de sécurisation de l’opération.
Mais attention, il faut là encore se donner une feuille de route précise et être conscient qu’il pourra quitter l’entreprise à tout moment.

Faut-il prévoir la mise en place d’instances spécifiques ?

Caroline Pasquet :
Sur le plan opérationnel, au moment de la rédaction des actes, il est pertinent de réfléchir à la création de comités de travail mixtes, à mettre en place dès le rachat effectué, qui combineront racheteurs et rachetés, dont l’un des rôles sera de marier les cultures.

Blandine Roche :
Chez les entreprises les plus « acquisitives », nous recommandons de créer un comité d’intégration au niveau du conseil d’administration. Cette équipe, dont la composition varie selon les entreprises, a pour mission de suivre l’évolution du process d’intégration à tous les niveaux : business, organisation, relations avec les fournisseurs et les clients, changement de comportement de la concurrence, qualité du management, RH... Ce comité, qui doit garder un certain recul et une certaine hauteur de vue, est là pour veiller à la bonne mise en œuvre du plan post-acquisition.

À quel moment sait-on qu’une intégration est réussie ?

Caroline Pasquet :
Assez vite. Beaucoup de choses se jouent dans la première année, mais généralement quelques mois suffisent pour avoir une idée assez précise de l’échec ou du succès de l’acquisition.
L’un des indicateurs les plus révélateurs, c’est la qualité de la circulation des informations. Quand les gens apprennent à se parler, tous les espoirs sont permis.

Cyril Serratrice :
Oui, et même celui qui consisterait à ce que le dirigeant rappelle rapidement son Conseil en Fusions Acquisitions pour travailler sur un nouveau projet de croissance externe... !

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